Thème de conférence en deux parties : Pourquoi ce voyage?  Ou « De la nécessité de voyager » & Rencontres de 1 108 femmes pour avec elles parler d’eau.

Les dainas, chants traditionnels lettons sont plus qu’un outil de formation, un art de vivre.

Pourquoi attendre 1989, pour organiser la révolution en chantant contre la russification. Une histoire d’eau ou plus exactement de fleuve, la Daugava ou « le destin letton ». Pour en savoir plus allez voir « La voie baltique » une double chaine humaine chantante de plus de 600 Km qui reliait l’Estonie, la Lettonie, la Lithuanie.

J’arrive à Riga le 08 mars 2013 dans la nuit… Petit aéroport, un chauffeur vient à ma rencontre, une grosse Chevrolet noire m’attend, Je ne peux m’empêcher de penser à Alfred Hitchcock. La voiture file à toute allure dans les rues de Riga. De la neige partout, un -10°c affiché alors qu’en France ce jours là +15!!! bon.  Ok je sais il va faire froid mais je suis couverte. Des lumières dans toutes les rues, une lumière orange, j’ouvre les yeux comme si j’allais pouvoir me repérer. Je sentais déjà la boulimie envahir tous mes sens. J’avais faim de savoir, de connaître, de voir, de sentir, bref de vivre à 100%.

Le chauffeur me réveille de cette hypnose et me demande si je viens pour des affaires, non! bien entendu que NON. Je viens pour la Lettonie, pour Riga, pour les Lettons, pour les connaître, pour leur eau, pour les femmes, pour les daïnas…. Je le sens ivre de mes mots.

 Comme pour me ramener à la réalité il me dit: »Qu’allez vous faire demain? »  Je lui répond « Je vais demain à Alsunga ». « Ah oui, je ne comprends pas ». Je répète et je me dis : »Ils doivent avoir un drôle d’accent, je ne suis pas prête de me faire comprendre ». Alors je lance désespérée de me faire comprendre le mot magique. « Je vais voir les suiti sievas ». Il se retourne vers moi et me dit: »Ah oui je les connais » et du coup c’est lui qui est devenu intarissable sur le sujet. J’apprends qu’elles sont connues dans toutes la Lettonie, même au Japon. Alors pourquoi pas à Orléans?

Le lendemain je suis rejointe à mon hôtel par Mara, elle travaille à la municipalité de Alsunga, et par Juris journaliste de presse écrite et enfin par Anita, Docent de l’académie de Riga qui allait être la traductrice pour les reportages que je me devais de faire  en Français et dans la langue du pays d’accueil. Anita avait travaillé avec l’UNESCO pour la valorisation des Daïna, de la culture du Kurzeme et des suiti sievas, la femme idéale pour mon sujet.

 

Je ne vous ferai pas de cours de géographie, mais sachez que c’est un pays plat, qui a su préserver son environnement, ses rivières, ses forêts, ses lacs, ses champs. Tout est magnifique de virginité. Vous me direz mais tu as vu tout ça sous la neige, sous la glace, oui et bien imaginez ce que ça doit être encore sans cela! Les paysages sont des fresques de légende. Mais ça les enfants le savent bien car ils connaissent bien mieux que nous la légende du duché de Courlande, en Letton du KURZEME.  Les paysages Curoniens encouragent à la poésie, ce n’est pas étonnant que ce peuple soit le peuple poète. C’est une destination qui plaira aux photographes, aux enfants pour l’imaginaire, aux amoureux de la nature authentique, cette nature qui est prête à livrer ses secrets de santé, de bien être, mais pour chacun d’entre nous aussi la possibilité de connaître une autre philosophie que celle que nous connaissons en occident qui est celle de dominer la nature et les autres.

Ma première rencontre officielle à Alsunga, seule communauté catholique dans un pays Luthérien, Monsieur le curé qui croit en l’association des fêtes païennes et du catholicisme et ce pour des raisons de bons sens, qu’il saura vous expliquer, s’il vient comme je l’espère à Orléans très prochainement. La soeur de Monsieur curé en fin de soirée  décide de m’habiller en suiti. A peine arrivée à Alsunga et me voilà Suiti d’adoption. J’étais adoptée, ils m’avaient comprise. J’étais heureuse. J’étais chez moi, avec mes nouveaux amis j’étais tout simplement bien.

 

 

Il est temps pour moi de partager avec vous une confidence:

L’indépendance, c’est quelque chose d’important, l’identité est essentielle pour se construire, la liberté c’est une valeur que nous avons en France au XVIIIe bien définie, et même écrit dans le marbre. La liberté oui mais comme le disait A.Gide, « Ce n’est pas le tout de se libérer encore faut-il savoir que faire avec cette liberté ».

C’est dans l’atelier de tissage d’Alsunga que je vais me rendre compte du sens du mot liberté confronté à celui d’identité. L’atelier réunit les femmes des suiti qui enseignent le tissage et chaque femme se confectionne son costume, et les costumes de la région des suiti. Là Maretta une femme de 50 ans environ me confie « Moi je n’ai pu rejoindre les suiti qu’après avoir fait mon deuil de 1989. » Si elle a utilisé des mots aussi forts c’est que c’est encore douloureux. C’est plus qu’une confidence, c’est un cri. La liberté nous ne sommes jamais prêts à la recevoir. Elle a perdu son travail, ses chevaux, le haras a fermé car les russes sont partis. Et comme la libre entreprise, l’esprit d’entreprendre n’avait été exercé depuis plus de 40 ans, Maretta comme beaucoup ont ressenti l’abandon, la mort.

Une fois le deuil fait, elle a pu se réconcilier avec son identité, suiti….

Peut on perdre pour de l’argent son identité? Peut on faire le sacrifice de ce que nous sommes pour de l’argent?

C’est bien de cela dont nous allons finir par parler de l’identité.

Et voilà ma seconde casquette celle d’ambassadrice du retour:

Avoir une identité c’est avoir un nom… J’ai eu du mal à définir par un nom, là d’où je venais. Comment créer des liens d’amitiés, des liens commerciaux, culturels, quand l’autre ne peut nous situer, par un nom mais aussi par une tradition, par une histoire, par des chants, par un folklore, par un patrimoine culturel immatériel. Qui sommes nous? Face à la Kurzeme qu’est ce que la Région Centre?

Notre région centre n’a pas de nom et ne peut pas non plus identifier ses habitants, comme les Bretons, les Auvergnats, les Bourguignons  … Nous avons certes des provinces, les Tourangeaux, les Beaucerons, les solognots… certes et heureusement cela nous sauve mais où est l’unité, le clan, la force d’une région?

Est-ce la Loire la grande responsable, elle qui partage notre région en deux, elle qui n’offre pas les mêmes richesses à ses deux rives?

Non, bien entendu que non, mais alors quoi?

Pour répondre à cette question je vous propose d’organiser en 2014 les premières folkloriades en région centre. Avec pour invités d’honneur et cela s’impose de fait maintenant avec ce que vous savez: Les suiti sievas.